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Le Territoire des Loups
Le Territoire des Loups
(The Grey)
de Joe Carnahan
Avec Liam Neeson - Franck Grillo et Dermot Mulroney
USA - 2012 - Aventures / Drame
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Après le gros blockbuster crétin L'Agence Tous Risques le réalisateur Joe Carnahan revient sur les écrans avec un film au budget plus modeste, à la dimension plus humaine et certainement plus intime. Le Territoire des Loups n'aurait pu être qu'un survival de plus (Wilderness version loup) mais en choisissant de traiter son film comme une lente marche funèbre le réalisateur de Narc transforme un récit , somme toute assez basique, en un puissant requiem dramatique.
Le Territoire des Loups suit l'aventure extrême de sept survivants d'un crash aérien qui se retrouvent perdus dans l'immensité du grand nord. Ils vont devoir faire face à une nature difficile, des conditions climatiques extrême et surtout tenter de survivre à une meute de loups bien décidée à protéger son territoire.
Dès les premiers instant il est parfaitement clair que Le Territoire des Loups ne sera pas un simple survival entre des hommes et des loups. Quelques minutes suffisent à Joe Carnahan pour décrire un univers masculin un peu minable, à la fois abrupt et désespéré fait de beuveries et de bagarres. Quand au héros du film il est immédiatement montré comme dépressif et suicidaire vivant tant bien que mal avec le poids de la disparition de sa femme. Ca ne respire pas vraiment la joie de vivre et dès les premières minutes, comme les loups le feront ensuite, le spectateur peut ressentir la peur et la mort qui englobe non pas des héros mais des hommes bien ordinaires vivant par habitude. Le Territoire des Loups traite finalement bien moins des bêtes sauvages que des hommes qui y seront confrontés. Tant pis donc pour celles et ceux qui espéraient le contraire, mais les loups du film ne sont au bout du compte qu'un élément certes important, mais perdu parmi tant d'autres.
Le Territoire des Loups possède tout à la fois le souffle d'un grand film d'aventures, la tension d'un pur survival et la densité d'un requiem. Une grande aventure humaine qui commence par un crash d'avion vraiment spectaculaire vécu et filmé de l'intérieur du cockpit avec un sacré sens de l'immersion. Ensuite une grosse poignée de survivant ( une poignée étant trop petit pour sept individus) va se retrouver confrontée à la nature dans ce qu'elle possède de plus pur et de plus dangereux. Entre des conditions climatiques extrêmes, un espace vierge de toute civilisation et un retour à l'état de simple proie sur l'échelle animale, les hommes vont revenir à un état quasiment primitif. Joe Carnahan filme alors avec ampleur des personnages perdus dans un cadre désespérément blanc et montre une nature à la fois magnifique et hostile. Une simple marche devient alors une expédition et le film réserve son lot de magnifiques moments de tension comme lors de la traversée au dessus de la rivière. Mais les instants durant lesquelles la tension touche à son paroxysme concernent bien évidemment les loups, pas spécialement lorsqu'ils sont à l'écran mais surtout lorsque leur présence menaçante hante l'espace. Impossible d'oublier la lueur de leur yeux dans la nuit, leurs apparitions furtives et surtout leurs souffles et leurs hurlements dans la nuit. Si leurs attaques sont particulièrement furieuse, brutales et soudaines (sursaut quasiment garanti), je reste bien moins convaincu par les confrontations direct que par la peur de les voir arriver. Un sentiment d'autant plus fort que je ne suis pas particulièrement fan de la façon frénétique et illisible avec laquelle Joe Carnahan filme les confrontations direct entre les hommes et les loups. En revanche j'adore ce sentiment d'insécurité, cette tension de la mort qui rôde, ce hurlement de douleur qui crève le silence, ce souffle de la bête qui annonce le dernier pour l'homme et ce danger pouvant débouler de partout.
Mais l'aspect qui me touche le plus dans Le Territoire des Loups est incontestablement sa dimension humaine et cette confrontation de sept types à l'idée et l'acceptation de la mort. Le film de Joe Carnahan sonde à travers les destins de ses sept personnages des questions existentielles qui vont bien plus loin que « putain comment je vais péter la gueule au loup ?». Les sept personnages qui peuvent dans un premier temps être perçus comme des caricatures sont aussi l'expression de différents choix de vie. On a un peu le gros dur, le rigolo, les responsable, le réservé, le père de famille, le protecteur et finalement peut être que tous réunis ne sont que l'expression brouillonne de ce qu'est un homme globalement. Et cet homme va tout simplement se retrouver confronter jusqu'à l'absurde à sa triste condition se limitant à comment je dois vivre en attendant la fin, quelles sont les choses qui méritent que je me battent encore, dois je accepter de souffrir encore alors que la fin est joué d'avance ? Les hommes du Territoire des Loups ne se retrouvent pas face à des loups mais tout simplement face à eux mêmes et toute l'apparente absurdité de la vie capable d'en faire à la fois des survivants miraculés et des morts en attente . John Ottway ( Liam Neeson) aura beau demander le secours de dieu, l'homme reste un animal désespérément seul face à son destin capricieux, face à ses choix, perdu dans l'immensité d'un univers qu'il ne pourra apprivoiser et inéluctablement victime au bout du compte. Dès lors comment apprivoiser cette idée de la mort, comment la rendre plus douce, comment simplement l'accepter ? Le Territoire des Loups est une marche funèbre dans laquelle l'humain se retrouve tout simplement contraint par la nature à l'acceptation de son triste sort. Le film de Joe Carnahan possède une scène que je trouve absolument magnifique et qui est le moment ou Diaz coupe la tête du loup et la jette par terre comme un affront aux loups (un détournement d'une des scènes les plus cliché du survival). Les survivants viennent alors de triompher du sort, ils célèbrent cet instant en mangeant et s'amusant, l'espoir semble renaître un peu. Et là après un court silence arrive un hurlement qui glace le sang, le souffle des loups fait naître une buée à l'orée du bois et le visage fermé les hommes comprennent que la mort est toujours là et qu'elle s'amuse de leurs vains espoirs. Personnellement j'en avais la chair de poule. Le final du film m'achèvera totalement lorsque John Ottway étalera soigneusement devant lui ce qu'il reste de toutes ses vies disparues et regardera les yeux embués les images des bonheurs perdus avant de se battre une dernière fois contre la mort. On a tellement bouffé du survival dans lesquelles les hommes devaient systématiquement redevenir des bêtes sauvages pour survivre que c'est magnifique de voir des personnages devenir de plus en plus humain à mesure que le récit avance.
Le Territoire des Loups est un grand film qui renoue avec cette traditions des grandes œuvres des années soixante dix dans lesquels les éléments les plus spectaculaires d'une histoire n'étaient que des révélateurs des tourments de l'âme des hommes. Après avoir vu tellement de films vide de sens pour lesquels le spectacle était une fin en soit, ça fait vraiment plaisir de voir un film dans lequel les personnages sont à ce point au centre de tout.
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J'aime : Un film puissant sur la condition humaine - Un survival tendu qui place l'humain au centre de tout - Un film aussi terrifiant qu'émouvant
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Ma note : 07/10
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